Maupassant, Reviens ! Ils sont devenus fous !

Chères-Chers Vous, 

En ce 12.I.17, je vous fais grâce de mes voeux puisque je ne souhaite que du bien même à mon pire ennemi, partant du principe que si ce pire ennemi se voit gratifié de bienveillance et d'empathie, il arrêtera de m'empoissonner l'existence. 

 

Je ne formulerai donc pas de voeux, mais je vais tout de même vous donner un conseil, d'amie bien entendu ! d'un conseil : ne pratiquez jamais, au grand jamais,  le second degré avec votre chien, ou tout autre canidé croisé chez des proches ! 

C'est bien compris ? Pas d'humour avec les chien-chien-à-sa-mémère, ni avec les Titi-à-son-pépère, ni même avec les Good-girls, ou les Rex-au-pied. 

J'espère que c'est  clair pour Vous ... 

Pourquoi me demandez-Vous derrière votre écran ? Pourquoi ne pourrait-on pas faire profiter nos congénères canins de cette formidable qualité humaine qu'est l'humour ?  Parce que les chiens sont incapables d'en saisir la subtilité.  C'est comme ça. Comment je le sais ? Parce que j'en ai un justement, un chien, pas un second degré ; encore que pour ça, je crois que j'en ai un aussi ... 

 Bien sûr, on m'avait mise en garde pour les chiens (et pour le reste aussi). Comme d'habitude, je n'en ai fait qu'à ma tête. 

 

Tout a commencé par l'acquisition d'une paire de chaussures anglaises, montantes, à grosse semelle, dont le nom composé commence par un D... et se termine par un S, en passant par un M. 10 ans que je les attendais ! Et pas plus tard qu'il y a pas longtemps, je me suis rendue au Temple de la consommation pour pouvoir enfin arborer ...  mes "écrase-merde".

"Regarde Loulou, (Loulou c'est mon chien, qui ne s'appelle pas Loulou, mais Hangus, avec un H parce que c'était l'année des H et que l'éleveuse refusait l'idée qu'il puisse porter un patronyme qui ne soit pas conforme à la règle ; je crois que les éleveurs ont le même sens de l'humour que les chiens qu'ils vendent). Regarde Loulou, j'ai enfin mes chaussures de punks à chien !" Et pour célébrer l'évènement, j'ai convoqué les Clash. Normal ! 

 

Le problème c'est qu'Hangus (hommage canin à Angus Young) m'a prise au pied de la lettre ; re-normal pour des chaussures me direz-vous, puisque vous n'en manquez pas, d'humour, pas de chiens (quoique pour ça, je n'en sais rien). 

Si je portais des chaussures de punks à chien, alors Hangus était un chien de punk, CQFD. Qui dit punk dit libre et surtout routard. C'est comme ça qu'Hangus-Grocus-Pocus, beauceron de son état (grand, noir&feu, avec une gueule pas-tibulaire, mais presque) a découvert l'art de la fugue ; au diable les emmerdes, pourvu qu'on ait l'ivresse des grands espaces ! 

A titre tout à fait personnel, je n'aurais vu aucun inconvénient à ce qu'Hangus s'ébatte gentiment dans la verte campagne qui nous entoure. Mais, je ne veux pas que mon chien de punk soit à l'origine d'un accident. Surtout, nous habitons ce drôle de village cauchois où, depuis quelques semaines, je ne suis plus du tout en odeur de sainteté. "Au village, sans prétention, j'ai mauvaise réputation. Qu'j'm'démène, ou qu'je reste coite, je passe pour une je-ne-sais-quoi. Je ne fais pourtant de tort à personne ...

 

Dans l'épisode précédent (Ni vendue, ni à vendre !), je vous contais comment, à l'approche de Noël, j'ai été spoliée de la première association dont j'avais entièrement dessiné les contours et les détours. Naïve que je suis, j'ai pensé que les spoliateurs, ainsi gratifiés du bijou qui ne demande qu'à briller, seraient rassasiés. C'était oublié que "les braves gens n'aiment pas que l'on suive une autre route qu'eux". 

 

Je ne sais pas si vous avez déjà ressenti l'impression de vivre une vie romanesque, au sens strict du terme ; une vie relative à un roman. Pour ma part, cette impression est quasi-quotidienne. Ne sachant pas séparer le texte de l'image, j'ajouterai que je vis parfois une vie cinématographique : un savoureux mélange des Frères Dardenne, de Claude Chabrol, de Depardon, et d'Audiard-s (oncle et neveu). Mon "parcours de vie" est très complet : enfance "difficile", drames, alcoolisme, folie, suicides, enfants "déparentés" qui se "reparentent" hors du champ familio-sanguin, règlements de compte aux enterrements, commissariats, voyous encostardés, dames qui font commerce de leur corps. Tout y est. On y trouve aussi la lecture qui sauve l'enfante perdue ; l'écriture qui taraude, qui titille, qui harcèle depuis avant le temps où les lettres assemblées forment des mots qui donnent son sens à la vie. On y trouve encore, c'est indispensable,  des amours tumultueuses, des amis non moins tumultueux, des emmerdes à ne plus savoir qu'en faire... Je peux me vanter d'avoir déjà mené une vie très complète, du haut de mes 43 ans. Or la vie, c'est comme la farine : quand elle est trop complète, ça irrite le côlon, et le reste. Et depuis le mois de novembre dernier, malgré la complétude du scénario de ma vie, deux personnages m'irritent profondément le côlon (et le reste). 

 

"Un indice, pour Vous qui êtes chez vous ?" Puisque vous m'êtes sympathiques, je vais vous en donner deux :

Indice numéro 1 : Balkany, Patrick, roublard converti en clown de la République & Isabelle, la blonde dont la fortune est inversement proportionnelle à la grandeur d'âme ;

Indice numéro 2 : Cauchois, habitant du Pays de Caux, méfiant, indécis, taiseux. 

1+2 = un couple mi-bourgeois mi-parvenus, roublards à la petite semaine, potentats locaux biberonnés à la féodalité cauchoise, appelons-les "les Balkany-du-Pays-de-Caux". 

 

A ce stade de l'épisode du jour, je me dois de vous mettre en garde : "Toute ressemblance avec des évènements ... purement fortuites". ça, c'est fait ! 

 

Vous l'avez peut-être déjà compris, ce sont les Balkany-Cauchois qui m'ont privé de mon jouet humaniste, celui avec lequel je jouais à la marchande de livres.  Le problème avec les personnes qui ont tout, c'est qu'il leur en faut toujours plus. Non contents de m'avoir piqué mon doudou, ils ont aussi égratigné ma réputation, et, cerise sur la tarte normande, voilà que maintenant, ils s'en prennent à mon entourage ; et pas à n'importe qui dans mon entourage ! A celui qui n'est pas mon fils mais que j'ai tout de même éduqué. 

Les cons ça osent vraiment tout ! Je me demande même "jusqu'où s'arrêteront-ils ?" pour me faire comprendre qu'on ne s'oppose pas à des parvenus pour qui "donner" est synonyme de "prendre". 

Maupassant, reviens, tes bourgeois sont devenus fous ! Je les crois même capables de se répandre sur ma vie privée, au point de mettre à mal l'enfance de ma fille, celle qui est à moi et que j'éduque (là, c'est plus logique).

Claude Chabrol, tu as oublié tes personnages en partant ! Tu peux venir les rechercher quand tu veux, tes bourgeois qui cachent tout, qui ne montrent rien. Reprends-les s'il te plait, ils cassent tout ici bas, très bas. 

 

Si seulement je comprenais pourquoi les Balkany-Cauchois font tout ça, puisqu'ils ont déjà mon idée. Que veulent-ils de plus ? C'est sans doute là que se trouve la clé de l'énigme de ce téléfilm régional "à la France 3 le samedi soir" dans lequel je suis contrainte de jouer depuis quelques semaines. Pour répondre à ma question, je pourrais user des mêmes armes diffamatoires que celles dont ils abusent à l'envie. Les ayant observer de près, moi aussi j'ai sous la main quelques biscuits rances à donner à grignoter aux villageois affamés de ragots. Mais, je ne mange pas de ce pain-rassis-là. "Oeil-pour-oeil ..." n'a jamais été ma devise. En revanche, quand j'étais manager du radeau de la Méduse, on pouvait lire à l'entrée de mon bureau-confessionnal, sous la croix Biogaran portant la mention "votre santé mentale nous intéresse" : "On est toujours le con de quelqu'un, mais mon voisin ne le sait pas".   

 

"Dis donc crétin ! Tu crois qu'on n'a pas assez d'em....des en ce moment ?", ai-crié à Hangus en le faisant monter dans mon tas de poussière qui me sert de véhicule après sa première fugue. Qu'est-ce que tu cherches ? Que les Balkany-du-Pays-de-Caux en profitent de te placer en fourrière ? 

Je n'ai obtenu pour seule réponse qu'un profond soupir mêlant harmonieusement dédain et récriminations. 

Non seulement les chiens sont dépourvus d'humour, mais en sus, ils n'ont pas de conscience. C'est à se demander ce qu'on leur trouve ! Mon chien de punk ne dérogeant pas à la règle, c'est devant le siège des Balkany-Cauchois que mon "entourage" a retrouvé Hangus quelques jours après sa première évasion.  Comme une provocation canine jetée à la face du couple spoliateur. 

...

Il est peut-être pas si stupide qu'il en l'air, mon chien. Peut-être même qu'en gentilhomme campagnard qu'il est (c'est pas moi qui le dit, c'est Madame Georges Sand !), en allant les narguer devant leur tour d'ivoire usée, a-t-il voulu signifier aux vautours qu'il n'y avait plus rien à prendre sur le dos de sa chèfe de meute.

"C'est sympa mon Gogus de faire tout ça pour moi, mais, reste dans le jardin, c'est plus prudent. Et ne t'inquiète pas, dans ma vie cinématographique, on trouve aussi un peu de Jean-Pierre Jeunet, beaucoup de Jean Becker, et parfois du Yves Robert et du Claude Sautet".

Hangus a penché la tête sur mes cuisses et a remué la queue (dans cet ordre, c'est plus facile). Je savais qu'en citant les grands noms de mon cinéma personnel, Hangus serait rassuré : il semble dépourvu d'humour, mais a une grande culture cinématographique, qui s'explique par la présence dans la maison de Moumousse 1er, dit Gros-Lardo-di-Carpaccio couronné meilleur chacteur du monde après avoir brillé au Chactors Studio, notre chat.

 

J'espère que le téléfilm de seconde zone dans lequel les Balkany-Cauchois me forcent à jouer depuis quelques semaines, prendra fin bientôt car j'ai décroché un nouveau rôle, bien plus sympa : je joue en ce moment en compagnie de grands Enfants que la Nation pense perdus pour elle, parce que différents mentalement. Pourtant, quand je les retrouve, toutes les deux semaines, je ressens rien de moins que  l'élan d'un oiseau dans l'air, l'ESSOR (ça tombe bien c'est le nom de l'association qui les prend en charge). Grâce à eux, je découvre le handicap à l'état brut, celui qui ronge la tête, celui qu'on cachait il n'y a pas encore si longtemps. J'ai un peu moins de six mois pour préparer une exposition des travaux photographiques que nous menons ensemble ; six mois pour m'imprégner de la pureté de leurs sentiments et me nourrir de leur absence d'hypocrisie. Six mois pour Grandir avec eux. Un luxe dont les Balkany-Cauchois ne profiteront pas malgré leurs comptes en banque. L'humanité ne s'achète pas ; elle se mérite. 

 

Sur ce, je vous laisse avec quelques Vues de ma Fenêtre pour prendre de la hauteur ; Hangus veut qu'on aille faire un tour de jardin. 

A bientôt ! 

 

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Ni vendue, ni à vendre !

Je vous ai déjà raconté comment le hasard m’avait conduite ICI, dans la Matrice. A mots plus ou moins couverts, vous aviez compris que, si le déménagement se déroula sans encombre, l’installation sociale ne fut pas aussi … aisée. Loin s’en faut ! Combien de saluts dans le vide, de têtes détournées, de regards hostiles avant qu’enfin notre (car, par chance, nous étions deux pour faire front) notre « Bonjour ! » sympathique et sincère soit enfin gratifié d’un « Bonjour » neutre, mais un « Bonjour » quand même. C’est très compliqué moralement de s’installer dans une commune où un faisceau d’indices concourt à vous faire comprendre que vous n’êtes pas les bienvenus.

« Pour Darwin, la nouveauté essentielle dont l’émergence (il y a longtemps) dans le monde non humain a permis l’évolution très progressive de nos ancêtres vers ce que nous appelons l’humanité, n’est pas l’intelligence abstraite, ni la technique dont nous sommes habituellement si fiers, mais l’existence d’une forme d’intelligence émotionnelle, sociale, la capacité d’attention à l’Autre, de ressentir et de partager les intentions et les émotions de l’Autre ». Dans ce court extrait de l’émission Sur les Epaules de Darwin du samedi 28 novembre 2016, Monsieur Jean-Claude Ameisen fait référence à la part jouée par l’empathie dans le développement physique, physiologique de l’Humanité.

 

J’aime pas les gens, mais j’ai une grande foi en l’Humanité.

J’aime pas les gens qui n’ont foi en rien. Il n’est pas question de religion, mais de certitudes : tout évolué que nous prétendons être, il ne faut pas oublier que nous ne sommes rien sans ce qui nous entoure, même si j’ai chiant à tondre, pénible à tailler, ou que c’est plus pratique avec du bitume, nous ne sommes rien sans ce qui nous entoure. Et pour l’Humanité, c'est pareil. L’empathie c’est chiant, on n’a pas toujours envie de tendre la main, surtout quand les doigts sont crochus, comme dans le pays de Caux. Mais c’est quand les gens tendent la main et qu’ils la saisissent qu’ils deviennent humain. Bien sûr que ça ne sert à rien de savoir comment vivent les tribus de Mongolie, ni que des enfants meurent à Alep, mais en le comprenant, on peut frapper nos choix au coin du bon sens.

 

En m’installant dans la Matrice il y a une douzaine d'années,  je me suis dit que c’était Ici, plus qu’Ailleurs, qu’il fallait poser mes valises de partage, de liens sociaux, d’ouverture à l’Autre, d’empathie ; comme un défi au repli et au rejet de l’Autre. Années après années, à mesure que tombait les paroles d’exclusion, des rumeurs et des ragots (Ici, on peut même vous faire mourir trois jours avant que la médecine ne constate votre décès), je me confortais dans l’idée qu’il fallait ouvrir Ici un lieu où l’intelligence émotionnelle, sociale et la capacité d’attention à l’Autre feraient un pendant au fronton « Liberté – Egalité – Fraternité ».

 

Si j’ai une compétence, c’est celle de pouvoir dire et assumer tout haut, très (trop parfois) haut, ce que nombreuses et nombreux pensent, mais n’oseraient pas défendre. Attitude risquée, surexposée, mais c’est ce que je sais faire.

 

J’ai dessiné les contours de ce lieu, comme un espace où « Penser » ne serait pas dégradant, où exprimer une pensée et la partager avec l’Autre serait moteur ; un lieu où décider, choisir, se ferait collectivement, mieux encore, collégialement ; un lieu où les charges financières seraient réduites à leur plus simple expression pour pouvoir se soustraire des contingences matérielles et des modèles économiques à la mode dont on palpe (ou plutôt, ils palpent) chaque jour les méfaits.

Le problème c’est qu’on en revient toujours à Nimby, vous voyez ? Non ? Nimby, Not In My Back-Yard en cauchois ; "pas dans mon jardin" comme on dit che vou. Les belles idées qui mobilisent les gens, c'est à télé, une à deux fois par an. Participer à un nouveau modèle, accepter de ne pas toujours le comprendre, mais si laisser guider, demande "aux gens" une grande part d'humanité.  

Naïvement, j’avais, et j’ai encore, la conviction qu’il est possible, qu’il est même grand temps, de développer de tels lieux de partage détachés des modèles économiques classiques. De nombreuses expériences sont montrées chaque jour. Jamais les reportages ne racontent le moment où le projet a été compris dans son altruisme le plus simple : pas pour ce qu’il rapporte, mais simplement pour ce qu’il apporte. Tout se joue à un R près. Mais un air de trop, un air de je-ne-sais-quoi nauséabond.

 

L’Epicerie ARTistique, « la seule épicerie du Pas de Caux où on ne nourrit pas les estomacs mais les émotions », a ouvert ses portes au public le 18 juin 2016 : « 18 juin », même la date n’a pas été choisie au hasard. Une date de résistance pour une association de résistance culturelle et créative.

 Dès la première permanence, le 19 juin, 56 personnes nous ont fait l’honneur de leur présence. J’ai compris que j’avais tapé dans le mille ! « Quelle belle idée que la vôtre ! … Merci d’avoir créé un tel lieu Ici … C’est courageux, mais vous avez bien fait ». J’ai vécu dans cette belle demeure des moments d’une grâce incroyable, des bulles de bienveillance. J’y ai reçu des tranches de vie sans fioriture. Chaque heure passée là-bas était une heure gagnée sur la douleur et la souffrance ; une heure de confiance et d’estime de soi reconstruite.

 

Nonobstant le caractère thérapeutique et social, depuis ce fameux « 18 juin », je subis un paradoxe : plus le public et les artistes présentés adhérent à l’association, au propre comme au figuré, moins les piliers qui avaient accepté de me suivre dans ce projet semblent le comprendre. Durant de nombreuses semaines, dans l’ombre des heures de fermeture au public, j’ai encaissé le mépris pour la « Chose Créée » exprimé par le noyau de l’équipe. Je l’ai encaissé parce que je savais que les bénévoles, le public et les artistes étaient au rendez-vous. Jusqu’au 11 novembre dernier (foutues dates militaires !), où une heure durant je me suis entendue reprocher ce qui constituait le cœur du projet, sa substantifique moelle : trop d’humanité, pas assez d’argent encaissé, trop d’intellectualisation, pas assez de concessions au consumérisme.

Tu parles d’un Armistice ! 

 

Je ne sais pas combien de fois dans votre vie vous vous êtes senti-es fiers-fières de ce que vous créiez ; pour moi, c’était la première. L’Epicerie m’a appris l’intime conviction, celle d’avoir fait le bon choix. Impossible à quantifier, encore moins à monnayer.

 

J’ai bien essayé de rappeler aux piliers de l’Epicerie les « fondamentaux » de ma recette. Mais rien n’y a fait.

Depuis, il paraît que que ma place n’est plus dans l’équipe. Mes aspirations personnelles ne seraient pas conformes au « beau projet » que j’ai imaginé. Difficile à entendre, encore plus difficile à comprendre.

 Alors que l’Epicerie ARtistique trouve sa place dans le paysage culturelle locale, qu’elle m’a donnée une place dans le paysage social, et ce en un temps records de cinq mois, et un état physique proche du naufrage, il faudrait maintenant que je consente à en changer les codes.

Difficile à entendre, encore plus difficile à comprendre.

Pourtant, j’ai démissionné. Une fois de plus.

En toute modestie, et toutes proportions gardées, toutes choses égales par ailleurs, je suis un peu la Jean-Pierre Chevènement de ma commune. Dès que la situation me paraît injuste, comme Miss France, je me casse.

 J’ai appris très tôt les vertus de la démission en me sauvant de l’enfer paternel à quinze ans. Avec les années, j’ai même développé une certaine expertise en la matière.

 A la fin des années 2000, j’étais des agents publics qui devaient expliquer aux agents hospitaliers que la direction des finances avait pris le pas sur les patients. J’ai même été interdite de réunions, interdite de communication avec les établissements dont j’assurais le suivi budgétaire parce que j’avais osé demander où se trouvaient les patients dans la fumeuse T2A,  celle qui a contraint les agents du service public hospitalier à transformer leurs actes, ceux qui sauvent, qui pansent et qui guérissent, par des actes rémunérateurs souvent déconnectés de la réalité sanitaire et médicale des patients. 

J’ai quitté l’Etat démissionnaire pour rejoindre la Territoriale (la fonction publique territoriale, celles des mairies, des conseils départementaux et régionaux) plus prometteuse d’ancrage dans la société. Malheureusement, les promesses n’engagent que celles et ceux qui y croient. J’ai beaucoup appris dans la Territoriale, mais pas comme je l’imaginais : j’y ai été contrainte de démissionner d’un mandat d’adjointe au maire pour conserver mon emploi ; j’y ai découvert les placards, pas ceux où sont stockés plus ou moins soigneusement les dossiers, mais ceux où se terrent les agents, les humains, dans la recherche d’une porte de sortie.

Le placard agit sur l’organisme comme une agression, impossible d’en saisir les effets tant qu’on ne les a pas vécus, intériorisés, somatisés. L’obscurité sociale du placard provoque un terrible sentiment d’injustice, croître la volonté de justice, naître la fierté de défendre sa place dans le système social, alors même que c’est lui qui vous maintient la tête sous l’eau. C’est du temps perdu.

 

J’ai réussi à m’extraire du placard en m’accrochant au radeau de la Méduse. Là encore j’ai beaucoup appris, mais pas ce que j’impatientais d’apprendre : j’ai appris qu’un « cadre était payer pour souffrir ! » ; j’y ai appris que rester enfermer sous la contrainte n’était pas une séquestration, mais un « moment d’échanges vifs dans un lieu clôt ». J’y ai même appris que les agents étaient interchangeables (si tu me prends untel, j’accepte que unetelle intègre mon équipe).  Alors qu’on attendait de moi que j’y joue le rôle de « nettoyeur » (« j’espère que vous aurez essuyé les traces de sang sur les murs avant mon arrivée », dixit une future directrice), j’ai fini par y assurer le rôle de Sainte-Rita, patronne des causes désespérées. Mais je ne suis pas croyante, alors, une nouvelle fois, je me suis sauvée.  Et bien sauvée grâce à une équipe bienveillante et soucieuse du bien collectif. C’est ce moment d’équilibre professionnel que mon corps a choisi pour me remettre … sa démission.

 Comme « à chaque chose malheur est bon », pour que mon corps consente à réintégrer l’équipe que Lui et moi formions, voilà dix-huit mois que je cède à toutes ses revendications : le repos forcé, les heures de douleur, la canne, les attèles, les traitements corrosifs, les électrodes, le regard désapprobateur, tout. C’est sans doute pour me remercier de ma bienveillance, que mon corps, grand seigneur, a accepté de me laisser jouer à l’épicière artistique de temps en temps.

 Mais j'ai rendu rendu les clés de la Maison Maurice Leblanc. Je pensais que partir suffirait à calmer les esprits locaux, esprits contrariés et contrariants. 

 

… « Il paraît que tu es allée trouver le maire de D. et que tu t’es vendue » …

 

C’était oublier qu’Ici, plus qu’Ailleurs, défendre ses idées se paye au prix fort des rumeurs et des calomnies. Parce que non contents de me déposséder du produit de ma créativité, les piliers de l’Epicerie ont choisi de salir le rôle que j’y ai joué. Tel un objet, un moyen, je me serais vendue parce que ... j’expose quelques photos et textes Ailleurs qu’Ici. Alors, non, je ne me suis pas vendue parce que je ne suis pas à vendre. Les seules parts de moi que je consens à vendre sont mes photos . Depuis le 19 novembre, je me suis même repliée dans une ancienne morgue pour me mettre à l’abris (expEAU, à Duclair).  

Paolo Coelho disait récemment dans une émission de France Inter (oui, je suis une vraie intello de gauche) que la société moderne s’était trouvée deux boucs émissaires : les artistes, toujours à contrecourant, et les femmes.

 

En tant que femme et artiste, je refuse de consacrer le temps laissé libre par la maladie à porter des idées auxquelles je n’adhère pas parce que j’ai l’intime conviction que ces idées "déshonorent la cause que nous croyons servir" (après Chevènement, je préfère clore en citant Badinter). Pourquoi serait-ce présomptueux de vouloir offrir du beau et du bon à "des gens" qui ne savent même pas qu’ils ont le droit de les recevoir sans les consommer ? 

 J’espère me tromper. J’espère que l’Epicerie ARTistique poursuivra sa route vers « l’intelligence émotionnelle, sociale, la capacité d’attention à l’Autre, de ressentir et de partager les intentions et les émotions de l’Autre ».

 

Et j’espère surtout que la rumeur villageoise va me tenir à l’écart de son rouleau con-presseur. 

 A bientôt !   

 

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Tu fais quoi de tes journées ?

Chères-Chers Vous, 

Je suis bien embêtée. J'avais prévu de continuer de vous raconter des rencontres, les petites, les grandes, les qui font réfléchir, les qui sentent pas bon, ces rencontres qui changent la vie, celles qui vous laissent un goût amer. Vous voyez sans doute de quoi je veux parler, puisque vous même avez dû en faire, des rencontres. 

Le billet était quasiment bouclé. C'était léger, frais et puis surtout, positif. Et ça m'arrangeait car le billet s'insérait parfaitement dans le roman avec lequel je passe mes journées avant d'oser le partager un jour ici. 

Je voulais vous parler des gens que j'aime.

Et patatra, je me suis réveillée de mauvais poil (et ça n'a rien à voir avec l'épilation). J'ai mal à mon humeur aujourd'hui, mal à mon humanité (c'est con le week-end de la Fête de l'Huma !), parce que j'ai mal, tout court. Et que, comme me dirait une amie "tu sais, la douleur, à un moment donné, ça rend con". 

Sans déconner ? 

"Le corps humain est un royaume où chaque organe veut être le roi". C'est pas moi qui l'écrit, c'est Grand Corps Malade. Il poursuit même en précisant qu' "il y a chez l'homme trois leaders qui essaient d'imposer leur loi. Cette lutte interne permanente est la plus grande source d'embrouilles, elle oppose depuis toujours la tête, le coeur et les couilles." Chez moi, c'est un peu pareil, mais la lutte interne permanente oppose ma tête, mon corps et ma spondylarthrite. Pour la rime, c'est pas terrible. 

Globalement, la maladie, c'est pas terrible.

A ce stade de la lecture, vous vous dites (c'est fou ce que vous êtes bavard-es quand j'écris !) : c'est pas avec une phrase comme ça qu'elle va décrocher le Renaudot. C'est pas faux. De prime abord, je vous donnerais presque raison. Mais c'est oublier un peu vite que nous vivons dans une époque où le Résident de la République à la droit de déclarer publiquement "pour le chômage, on n'a pas eu d'bol" ; qu'un ancien résident candidat à l'immunité présidentielle a pour programme "moi, j'aime la France" ( ! ) pendant que la Moche Blonde veut fermer le pays ! Alors j'ai bien le droit d'écrire que la maladie, c'est pas terrible. Et puis, comme vous l'avez lu précédemment, je suis de mauvais poil, j'ai une immunité de mauvaise humeur.

 

Je ne sais pas ce qui m'emm.... ennuie le plus dans ma vie de malade : la souffrance, qui visiblement est sans frontières (c'est bien la seule aujourd'hui), l'incapacité à travailler "comme tout le monde", les emm... ennuis d'argent  qui découlent de l'incapacité sus-citée, la solitude imposée par la souffrance que je me passerais bien de susciter, ou les petites phrases à la con jamais méchantes, souvent prononcées par gêne plus que par volonté de nuire mais qui ont pour effet de provoquer chez moi un réchauffement climatique faisant fondre comme neige au soleil ma calotte glaciaire de confiance.

C'est pour ça qu'elles m'emmerdent (ah, j'ai ripé) les petites phrases à la con : "tu fais quoi de tes journées maintenant que tu ne travailles plus ? ... c'est vrai que tu peux monter des projets ou faire de la méditation, t'as du temps, toi ... tu sais y'a vraiment que les gens qui font rien qu'on l'temps de marcher la tête en l'air pour voir si c'est beau ... mais tu vas faire quoi maintenant ? ... tu vas le reprendre quand, le travail ?" 

 

C'est vrai que mon assignation médicale à résidence ne présente pas que des inconvénients, loin de là. Mais je considère que c'est cher payé pour ce que c'est.

J'ai toujours aimé les produits de luxe et c'est en tentant d'estimer le retour sur investissement personnel de mon assignation médicale que je comprends que je suis vraiment, intrinsèquement, snobe.  Je vis clairement  au-dessus de mes moyens, financiers mais pas que.

Pouvoir vous écrire, exposer mes photos&textes, réaliser un rêve de gosse en partageant une bouquinerie et une galerie d'art avec des potes, c'est bien, très bien (trop bien Maman !) mais c'est, vu de ma fenêtre, fort dispendieux.

C'est sans doute parce que c'est cher payé d'ailleurs que mon employeur, public (ah oui, en plus d'être malade, je suis fonctionnaire territoriale, je cumule les mandats) a supprimé 63% de mes revenus en juillet, deux jours avant la fin de mon coming-out médical, sans me prévenir, sans passer par mon 06, ou par mon @bidule.fr ; -63%, au motif que le même employeur avait commis une erreur dans mon dossier administratif.

Sur-priiiise ! 

Je n'en demandais pas temps.

C'est sans doute aussi parce que je vis au-dessus de mes moyens physiques que que ma banque s'adresse à moi comme un marbrier discount essayant de fourguer le cercueil le plus cher "par respect pour la défunte".

 

Je maintiens, je trouve que c'est exorbitant pour ce que c'est. 

 

Si je suis honnête avec moi-même et par extension avec vous, je dois reconnaitre que mon statut de résident médical m'a aussi permis de faire des rencontres. Je vous vois venir ; vous vous dites "elle a meetiqué ou plus si affinity". Même pas ! Je n'en ai pas besoin puisque je L'ai Lui.  Ce que vous êtes retords tout de même ! 

Il y a un peu plus d'un an, quelques semaines après que j'ai été coupée du monde du travail, j'ai fait la connaissance d'une petite-fille. 

 

J'ai été assignée médicalement à résidence le 23 juin 2015, quand la médecin du travail, qui est une femme formidable, vraiment formidable, a osé prononcer calmement mais sûrement : "Madame, je ne peux humainement plus vous laisser travailler dans cet état. Un tel niveau de souffrance physique n'est pas compatible avec le travail. Et je veux que cette fois-ci, vous preniez le temps nécessaire pour comprendre que vous êtes malade, pas malade mentale, vous souffrez d'une maladie, réelle. Si vous ne comprenez pas ça et les conséquences que ça a sur votre vie, vous allez y laisser votre peau."

 

J'ai senti le vent du couperet souffler glacialement sur ma nuque. J'ai quand même ajouté, tel un chevalier français face contre terre, dont le cheval gît à ses côté mais qui croit quand-même qu'Azincourt n'est pas perdue : "c'est pas possible aujourd'hui parce j'ai une audition d'élu et j'ai trop bossé pour ça". 

J'ai poursuivi en expliquant à la toubib que j'avais aussi mes conseillers, des engagements à respecter, et puis l'équipe ... Pour réponse, la toubib a pris tranquillement son téléphone et elle a expliqué à la DRH : "Je ne veux pas voir Mme ... demain 24.VI.2015 au travail, ni à son poste de télétravail, je veux qu'elle s'arrête et le temps qui sera nécessaire pour elle. C'est dangereux de la laisser travailler dans cet état." 

 

Boum. C'est là que le couperet est tombé, m'amputant d'une partie de ma vie "d'avant".

Heureusement, juste avant à la fin "d'avant", avant ce que j'ai alors vécu comme une exécution sociale, j'avais eu la chance de partager mon bourguignon avec Lui (là, il va falloir aller fouiller dans le site pour comprendre, ou, cliquer sur le bleu, c'est plus rapide)

Lui c'est qui ? Si ça n'est pas vraiment l'amour de vivre ensemble, ça Lui ressemble autant que c'est peut-être mieux. J'ai un problème ...

Oui, et un sérieux problème : je cite Johnny Hallyday et Sylvie Vartan !)

 

Lui, c'est mon Ange Gardien comme il s'appelait lui-même, si modestement quand je l'ai rencontré. Je ne suis peut-être pas très catholique, mais j'ai des racines et ai reçu une éducation (pas capillaires, suivez) judo-chrétiennes. Au fil de mes lectures, judéo-chrétiennes, il m'avait semblé comprendre que les Anges n'étaient que trois, et surtout, un peu moins brut de décoffrage. Toutefois, Gabriel (là, je ne cite plus J.H. !) a fichu un beau bordel avec ses lubies de toujours vouloir annoncer des trucs, livrer des bouquins ...

 

A y regarder de près, Sa venue à Lui, mon Lui, toutes proportions gardées, a effectivement des airs bibliques. 

C'est d'ailleurs Lui qui m'a fait rencontré la petite-fille, quelques semaines après l'exécution social, un dimanche où la souffrance physique avait fermé toutes les issues de secours avant d'embraser mon corps. "Tu me fais peur, tu ne vois pas dans quel état tu es ? Si tu ne reviens pas maintenant, tu pourras plus faire le chemin ! (j'avais l'impression d'être à Fort Boyard, mais ça n'était pas le moment d'en rire) Tu ne peux pas  continuer de te maltraiter comme ça ! ça n'est pas humain de supporter une telle souffrance physique sans réagir."

... 

C'est là que je Lui ai expliqué l'inutilité sociale venimeuse, l'incapacité à continuer en cohabitant avec une part de moi dont je voulais pas parce qu'elle me rendait inutile. 

...

 

J'ai pas senti, à ce moment-là, que la petite-fille glissait sa main dans la mienne. Je ne me suis même pas rendue compte que je venais de la rencontrer. 

 

Je suis incapable de donner son âge exact mais elle n'avait pas dix ans quand je l'ai rencontrée. Très joyeuse de prime abord, et tout aussi malheureuse, à bâbord, comme à tribord ;  perdue entre deux adultes ô combien malheureux.

Depuis un peu plus d'un an, la petite-fille et moi nous faisons route, enfin, chemin communal commun. Elle m'a raconté qu'elle s'est très tôt demandé à quoi servait la vie puisqu'à la fin, c'est la mort qui gagne (elle a passé beaucoup de temps avec Monsieur Desproges ; ça laisse des traces aussi). Durant un an, j'ai vu la petite fille grandir, devenir une adulte rongée par la colère et l'agressivité mais toujours aussi joviale, c'est l'avantage d'avancer masquée. C'est ce qu'elle dit en tous cas. La petite-fille-devenue-adulte m'a même raconté comment elle avait fini par chuter après avoir partagé un boeuf bourguignon

 

Oui, la petite-fille-devenue-adulte et moi ne faisons qu'une. C'était facile à deviner. C'est une belle rencontre que de se rencontrer soi-même. Je l'avais lu mais n'y croyais pas une seconde. Je trouvais ça sur-fait, limite sectaire, en tous cas, totalement cul-cul. En réalité, plus on tarde à faire le voyage, plus ledit voyage est tumultueux. Mais il vaut le détour. Toutefois, nonobstant la beauté des paysages, eu égard à la paix intérieure que ça procure, je persiste et signe, c'est cher payé pour ce que c'est. Je pense même que j'aurais pu faire de belles économies personnelles si je l'avais fait avant. Mais je ne vais tout de même pas ajouter les remords à tout le reste ; ça reviendrait à vivre à crédit. Les remords, c'est comme le mépris, ça n'est pas dans mes prix (ça, c'est une chanson pour les moins de ... beaucoup d'ans ; allez faire un tour Sous les palétuviers, vous comprendrez). 

 

Avant de vous laisser, je dois vous remercier car, vous, je ne sais pas, mais moi, de vous écrire, ça m'a fait passer l'envie de me gâcher la journée. 

Quant à celles et ceux qui se demandent encore ce que je fais de mes journées : je réapprends à vivre, et c'est déjà pas mal. A la prochaine ! 

 

Faute de photos cette semaine (je ne sais que choisir !), je vous laisse la playlist du jour, elle est ..hétéroclite.  Les hommes que j'aime - La Rue Kétanou ; Ma tête, mon corps et mes couilles - Grand Corps Malade ; Résident de la république - Alain Baschung ; J'ai un problème - Sylvie Vartant et Johnny Hallyday - Si tu la croises un jour - Francis Cabrel ; Sous les palétuviers - Pauline Carton et André Berley ; Communiste - Cyril Mokaiesh. 

 

 A Sophie A., Sophie W. et Sophie Z. 

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Tu rentres quand ?

"jeu. 30 juin 2016", c'est ce qu'indique le dernier billet que je vous ai adressé. J'ai des tas de raisons pour justifier cette pause. J'ai aussi des tas de raisons pour ne pas me justifier. Après tout, je ne vous dois rien ! Surtout que c'est pas un bon jour pour moi : mes omoplates ont visiblement un conflit à régler entre elles, à tel point qu'elles ont transformé ma colonne vertébrale en faille de San Andrea. C'est dire que mon humeur est au beau fixe ! 

 

 

Pour autant, vous n'y êtes pour rien.

Et par vos retours sur mes billets photographiques, je vous dois beaucoup.

 

En juillet, j'avais prévu de vous faire partager le journal de ma première cure thermale, mon coming-out médical, mais Orange, ex France-Tudéconnes, en a décidé autrement. 

Le saviez-vous ? Dans le département des Vosges (88), magnifique au demeurant, il est possible de rester sans réseau mobile 15 jours durants sans que l'opérateur, qui se vante d'être à la tête d'un réseau mobile à la couverture la plus large, n'y trouve à redire. Sans doute parce que la couverture est rongée par les mites. Evidemment, en ce qui me concerne, je n'avais pas besoin de cette fameuse couverture mobile, avant tout parce qu'il a fait très beau, et surtout parce que j'étais là pour me soigner. Mais les Autres, les Vosgiens ? Comment font-ils ? Ils se dém...ent. 

 

Saviez-vous également que dans le même département, les stations services, celles qui délivrent le sacro-saint dérivé du pétrole qui fait avancer la non-moins sacro-sainte bagnole, ne sont pas régulièrement alimentées ? Si si, sortis des grandes villes vosgiennes, les restrictions de carburant sont quotidiennes, et pourtant, j'ai vérifié, aucun dépôt pétrolier ne fait l'objet de blocage. Non Non. C'est comme ça. Remplir son réservoir relève de la grande loterie : vous ne savez pas quand ni même quel carburant vous sera proposé. Ce qui pimente la vie quotidienne, puisque les stations services sont éloignées les unes des autres par 20 voire 30 km. 

Alors, les citadins pragmatiques pourraient me répondre que la voiture personnelle n'est plus à la mode, qu'il faut privilégier les transports en commun. Mais là encore, Les Vosges, du moins certaines zones rurales des Vosges (je me demande si ce n'est pas un pléonasme) offrent une couverture mitée, plus que limitée. Je n'ai pas croisé un bus durant les trois semaines de cure. 

 

A ce stade, il est possible que l'Office du tourisme du département 88 (c'est pour les nostalgiques du jeu des plaques d'immatriculation pendant les longs trajets) considère que je ne lui fais pas une bonne publicité. Il a tort de penser ça de moi, car là-bas, tout est beau et tout est sauvage, libre département sans grillage ... Quand la Normandie aura grand peine à remplir ses objectifs de 3% de terres cultivées en bio à l'horizon 2018, le fameux département sans service, lui, affiche déjà 40% d'exploitations bio, agro-écologiques, voire, le luxe, agro-forestières ! Vous, je ne sais pas, mais moi, ça me fait rêver. 40% d'exploitants agricoles qui protègent leur santé, celles des consommateurs, qui contribuent positivement à la biodiversité de leurs terres. C'est comme ça qu'au détour d'une virée vers le Pont aux Fées, ça ne s'invente pas, vous découvrez dans un petit village de 200 ou 300 âmes, comme le dirait J.P. Pernaut, un resto du feu de dieu, un centre de loisirs dédié à l'éducation à l'environnement, un site d'hébergement entièrement connecté à la nature, et même, une ferme aquacole ! 

Hasard ou coïncidence, au moment où je vous écris, le journaliste de France Inter indique que la famille d'un agriculteur mort à force d'avoir répandu, sur les conseils avisés des professionnels de la profession, des pesticides, va pouvoir porter plainte contre le fabricant du fameux phyto qui n'a de sanitaire que le nom. Peut-être un signe d'une amorce d'un début de commencement de changement ... 

 

Quant aux déserts médicaux, qui ne sont pas un problème strictement vosgien, et bien, là encore, les Vosgiens ont une solution : faire appel à des professionnels étrangers. C'est dingue, peut-être même que les multiples candidats à l'immunité présidentielle ne l'ont pas encore intégré à leur futur programme, mais l'immigration contribue pour une part non négligeable à l'économie nationale, en vrai !

J'arrête là la démonstration vosgienne, au risque de verser dans la revendication et donc de perdre la bonne humeur qui était revenue en vous écrivant. 

Une dernière chose avant de vous laisser, là-bas, j'ai enfin mis en ordre une année d'écriture, de carnets, de .doc, de post-ifs ... Tout cela fait enfin sens ; pour moi ! C'est un début. Maintenant que j'ai bien rangé la chambre où je laissais le roman au repos,  je vais pouvoir vous le montrer. Rendez-vous ... au prochain billet ! 

 

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"Tu veux dîner à la maison ce soir ? Bœuf bourguignon ? [suivi de son adresse]"

Chères-rs Vous,

Sept semaines sans vous écrire, c'est long ; du moins, pour moi. Vous m'avez manqué-es. 

A mon corps toujours très défendant, j'ai de-deux bonnes excuses : l'exposition de Fécamp, qui est terminée depuis le 15 juin (pour en savoir plus, cliquer ici) et l'Epicerie ARTistique qui est ouverte depuis le 18 juin.

J'ai beaucoup à vous raconter :  la générosité des donateurs et bénévoles de l'Epicerie, la première vente d'une de mes photos. Dans un registre plus sinistre, je vous aurais bien entrainé-es aussi sur la pente du traitement judiciaire des enfants victimes, mais à quoi bon puisque la honte ne veut toujours pas reprendre la place qui est la sienne : celle de l'agresseur. 

J'ai plutôt envie de vous emmener à la rencontre de rencontres, parce que durant ces semaines d'abstinence électronique, j'ai vu des gens, des vrais, en chaire-os-et-émotions ; j'ai visité des lieux, en béton-parpaings-et-émotions. Vous pourriez me rétorquer que vous aussi vous en avez vus, des gens et des lieux, évidemment ! Simplement, aujourd'hui, je mesure à quel point ces croisements composés de gens&lieux émus et émouvants font de nous, êtres sociaux et parfois si peu sociables, des OGM-Organismes Gentiment (mais sûrement) Modifiés. 

Pour ce premier épisode de cette nouvelle série consacrée aux carrefours humains et autres ronds-points sentimentaux, laissez-moi vous conter une histoire à base de part d'ombre, de bœuf bourguignon, de chutes, de sms récalcitrant ... La petite, banale et insignifiante histoire d'une rencontre entre Elle & Lui, "un roman comme tant d'autres, qui pourrait être le vôtre, gens d'ici ou bien d'ailleurs".

Et comme le veut la formule, "Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que purement fortuite", bien entendu ! 

Je leur dédicace la série de photos de la semaine puisque le sujet principal les a réunis. 

Ce lundi-là, premier lundi du mois de juin, en début d'après-midi, ils avaient rendez-vous. Mais pas d'emballement inutile : le rendez-vous était téléphonique, à défaut d'être téléphoné, l'objet du rendez-vous, était professionnel. Pas de quoi faire rêver. Cerise sur le chasse-cake, Elle n'avait plus de voix. Mais Lui avait le rire à la bouche. 

Après avoir raccroché, Elle entendait encore Son rire, sain, sans fioritures. L'idée de L'inviter dîner s'est imposée, comme une évidence, pour entendre encore au moins une fois Son rire. 14h18,  Elle envoya : "Tu veux dîner à la maison ce soir ? Bœuf bourguignon ? [suivi de son adresse]".  Oui, la veille, pour s'occuper l'esprit, Elle avait fait un Bourguignon ; juste parce que l'idée de servir le Bourguignon en juin l'amusait. Il faut savoir se contenter de peu parfois. 

 

Elle avait surtout envie que ce lundi-soir-là  annule cinq semaines de grand n'importe quoi, à mener sa vie comme un radeau perdu. Cinq semaines qui elles-même faisaient suite à des mois passés sur le fil d'un coupe-chou bien aiguisé. Des mois qui eux-même s'ajoutaient à des années passées à constater à quel point c'est difficile le choix d'une vie, à quel point Elle rêvait de choses dont Elle avait réellement envie, des années à chanter sur des souvenirs amers. Elle n'en état même plus à vouloir chanter des le port de Vancouver. Non, Elle voulait simplement remettre en route son GPS intime, trouver la sortie, dégager du cul-de-sac dans lequel Elle s'était engouffrée en pleine conscience (c'est très tendance la Pleine Conscience en ce moment). Pour Elle, Son rire à Lui sonnait l'Armistice, du moins une trêve. Alors, oui, évidemment, la perspective d'inviter à dîner un quasi-inconnu, au motif qu'Il a le rire ... joyeux (encore heureux !) lui a posé un cas de conscience, mais cinq petites minutes, le minimum syndical. De retour au bureau, Elle s'est gentiment assise sur son fauteuil et les convenances (attention, ça peut piquer), et a fait taire les "quand même tu te rends compte, tu ne le connais même pas, si ça tombe il n'a que le rire et pas la chanson ..." De toutes façons, les convenances et Elle étaient dans une mauvaise passe : Elle leur reprochait leur rigidité, leur manque d'ouverture d'esprit ; alors que les convenances la trouvait irresponsable voire  immature. La rupture était consommée. Conflit de génération peut-être. 

Vers 18h00, le sms en était toujours au stade de la simple "distribution". Alors, Elle voulut en forcer la lecture en L'appelant, pas en Lui téléphonant, non, en L'appelant. Bien lui en a pris puisqu'IL ne l'avait pas reçu, le fameux sms d'invitation de 14-18 ; il ne le recevra jamais d'ailleurs. ; les mystères de la téléphonie mobile ...

Durant l'appel, le rire a de nouveau répondu présent, comme une confirmation, la preuve qu'Elle avait bien fait.  "Oui, avec plaisir. Je prends une douche, et j'arrive. J'apporte une bouteille". 

 

Il est arrivé chez Elle peu avant 19h. Elle n'a jamais vraiment su dans quel État d'Esprit Il était arrivé. En revanche, ce qu'Elle a immédiatement remarqué c'est la seconde bise (oui, ici c'est deux bises) déposée par Lui  à la commissure des ses lèvres, à Elle.  

Mais comme il était question d'un dîner du terroir, pas d'un rendez-vous galant et que les convenances n'avaient pas été conviées, Ils ont profité : du soleil couchant pour mettre en lumière leur part d'ombre ; de la terrasse pour libérer leur face cachée ; de l'alcool pour ne pas filtrer leur flot de parole. Ils ont laissé couler leur fleuve noir. Le rendez-vous des gueules cassées en quelques sortes. Et le casting était à la hauteur du scénario ! 

 

Quand vers 22h, Il a délicatement mais assurément prononcé "Tu sais, tu ne m'as pas laissé indifférent lors de notre rencontre", Elle a failli tomber de sa chaise (Merde, Il est venu pour ça ! Ah non, c'est pas le moment. Je t'avais dit que c'était une mauvaise idée d'inviter un inconnu)  mais Il l'a bien rattrapée : "Tu peux dire et penser ce que tu veux de toi, de nous qui n'existe pas. J'ai tout mon temps mais j'ai aussi l'âge de savoir ce que je veux". (Sûr de lui avec ça ... à la limite de l'arrogance ... oui, mais c'est séduisant tout de même l'excès de testostérone ? Oui, évidemment, mais quand même ...)  

 

Vers 2h du matin, à la faveur du cocktail détonnant "désespoir malté", après Lui avoir ouvert son canapé à défaut d'autre chose, Elle a fini par tomber, chuter, mais "en vrai", littéralement, latéralement : Elle est tombée ... dans l'escalier (la scène est du pain béni pour les lectrices-teurs de Psychologie Mag, mais une tannée pour les amateurs de l'Art de séduire, le bonheur de réussir).

Elle s'est donc retrouvée, en vrac, cul par-dessus tête, en bas de l'escalier. Une chose était certaine, la scène était en accord parfait avec l'autoportrait qu'Elle avait dressé tout au long de la soirée.

En lui frottant le dos pour la soulager, tout être masculin qui se respecte en aurait profité pour que le soulagement soit mutuel, parce que même si Elle ne s'affectionne pas particulièrement, Elle a quelques atouts dans sa manche physique. Mais Lui, les atouts, les convenances, ...  Il l'a simplement soignée, pansée, réconfortée. Puis "Bonne nuit. Dors bien. Toi aussi".

 

Quelques heures de mauvais sommeil plus tard, à la faveur des effluves du cocktail "désespoir malté" consommé en surdose la veille, Elle eut un réveil ... difficile, de ces réveils où les regrets s'ajoutent à la honte. Il lui a tout de même fallu affronter son regard, pétillant, joyeux, (tu as vu, Il a des yeux de chouette au réveil). 

"ça va mieux ton dos ?

- Pas terrible. Mais je préfèrerai oublier la scène. J'ai mal à la tête aussi ... Tu veux un café ?

- Oui, merci. J'ai repensé à tout ce qu'on s'est dit hier soir. Je persiste, ça n'est pas possible de penser autant de mal de soi ... {silence} ... J'peux te poser une question {sans attendre une hypothétique réponse} ... Combien de fois on a pris soin de toi dans ta vie ? "

Elle qui croyait avoir fini sa chute la nuit précédente dans l'escalier ... Cette phrase lui a fait le même effet que la chute dans les rêves, celle qui vous tord le ventre et vous laisse groggy.  Le problème, le coeur du sujet  n'était pas tant de savoir si et combien de fois on avait pris soin d'Elle. Le vrai problème était pour Elle de savoir quand Elle se déciderait à le faire, à s'intéresser à Elle, quand Elle n'aurait plus la nausée en entendant "Prends soi de toi".  Je vous avais prévenu, c'est une histoire éternelle, mais banale.

 

Quelques jours après le dîner, après la chute dans l'escalier, c'est à l’hôpital qu'elle a fini par atterrir.  Il était temps. Les chutes c'est bien quand ça s'arrête. Spontanément, instinctivement, c'est Lui qu'Elle a de nouveau appelé. Après tout, si Elle n'était pas prête à s'occuper d'Elle, Lui avait visiblement deux ou trois notions de base.  

 

Près de huit cents soirées après, et presqu'autant de blanquettes de veau, de boeuf miroton, et autres plats "estivaux", de sms et petits-mots, d'acceptation de soi et de composition avec l'autre, Elle et Lui font toujours route ensemble ; en prenant bien soin d'accrocher leur ceinture (clin d'oeil aux Frères Jacques). 

 A la prochaine pour une autre rencontre. 

 

Au générique : "C'est l'histoire d'un amour" d'Almaran Carlos et  "Vancouver" de Véronique Sanson. 

 

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