"Tu veux dîner à la maison ce soir ? Bœuf bourguignon ? [suivi de son adresse]"

Chères-rs Vous,

Sept semaines sans vous écrire, c'est long ; du moins, pour moi. Vous m'avez manqué-es. 

A mon corps toujours très défendant, j'ai de-deux bonnes excuses : l'exposition de Fécamp, qui est terminée depuis le 15 juin (pour en savoir plus, cliquer ici) et l'Epicerie ARTistique qui est ouverte depuis le 18 juin.

J'ai beaucoup à vous raconter :  la générosité des donateurs et bénévoles de l'Epicerie, la première vente d'une de mes photos. Dans un registre plus sinistre, je vous aurais bien entrainé-es aussi sur la pente du traitement judiciaire des enfants victimes, mais à quoi bon puisque la honte ne veut toujours pas reprendre la place qui est la sienne : celle de l'agresseur. 

J'ai plutôt envie de vous emmener à la rencontre de rencontres, parce que durant ces semaines d'abstinence électronique, j'ai vu des gens, des vrais, en chaire-os-et-émotions ; j'ai visité des lieux, en béton-parpaings-et-émotions. Vous pourriez me rétorquer que vous aussi vous en avez vus, des gens et des lieux, évidemment ! Simplement, aujourd'hui, je mesure à quel point ces croisements composés de gens&lieux émus et émouvants font de nous, êtres sociaux et parfois si peu sociables, des OGM-Organismes Gentiment (mais sûrement) Modifiés. 

Pour ce premier épisode de cette nouvelle série consacrée aux carrefours humains et autres ronds-points sentimentaux, laissez-moi vous conter une histoire à base de part d'ombre, de bœuf bourguignon, de chutes, de sms récalcitrant ... La petite, banale et insignifiante histoire d'une rencontre entre Elle & Lui, "un roman comme tant d'autres, qui pourrait être le vôtre, gens d'ici ou bien d'ailleurs".

Et comme le veut la formule, "Toute ressemblance avec des personnes ou des situations existantes ou ayant existé ne saurait être que purement fortuite", bien entendu ! 

Je leur dédicace la série de photos de la semaine puisque le sujet principal les a réunis. 

Ce lundi-là, premier lundi du mois de juin, en début d'après-midi, ils avaient rendez-vous. Mais pas d'emballement inutile : le rendez-vous était téléphonique, à défaut d'être téléphoné, l'objet du rendez-vous, était professionnel. Pas de quoi faire rêver. Cerise sur le chasse-cake, Elle n'avait plus de voix. Mais Lui avait le rire à la bouche. 

Après avoir raccroché, Elle entendait encore Son rire, sain, sans fioritures. L'idée de L'inviter dîner s'est imposée, comme une évidence, pour entendre encore au moins une fois Son rire. 14h18,  Elle envoya : "Tu veux dîner à la maison ce soir ? Bœuf bourguignon ? [suivi de son adresse]".  Oui, la veille, pour s'occuper l'esprit, Elle avait fait un Bourguignon ; juste parce que l'idée de servir le Bourguignon en juin l'amusait. Il faut savoir se contenter de peu parfois. 

 

Elle avait surtout envie que ce lundi-soir-là  annule cinq semaines de grand n'importe quoi, à mener sa vie comme un radeau perdu. Cinq semaines qui elles-même faisaient suite à des mois passés sur le fil d'un coupe-chou bien aiguisé. Des mois qui eux-même s'ajoutaient à des années passées à constater à quel point c'est difficile le choix d'une vie, à quel point Elle rêvait de choses dont Elle avait réellement envie, des années à chanter sur des souvenirs amers. Elle n'en état même plus à vouloir chanter des le port de Vancouver. Non, Elle voulait simplement remettre en route son GPS intime, trouver la sortie, dégager du cul-de-sac dans lequel Elle s'était engouffrée en pleine conscience (c'est très tendance la Pleine Conscience en ce moment). Pour Elle, Son rire à Lui sonnait l'Armistice, du moins une trêve. Alors, oui, évidemment, la perspective d'inviter à dîner un quasi-inconnu, au motif qu'Il a le rire ... joyeux (encore heureux !) lui a posé un cas de conscience, mais cinq petites minutes, le minimum syndical. De retour au bureau, Elle s'est gentiment assise sur son fauteuil et les convenances (attention, ça peut piquer), et a fait taire les "quand même tu te rends compte, tu ne le connais même pas, si ça tombe il n'a que le rire et pas la chanson ..." De toutes façons, les convenances et Elle étaient dans une mauvaise passe : Elle leur reprochait leur rigidité, leur manque d'ouverture d'esprit ; alors que les convenances la trouvait irresponsable voire  immature. La rupture était consommée. Conflit de génération peut-être. 

Vers 18h00, le sms en était toujours au stade de la simple "distribution". Alors, Elle voulut en forcer la lecture en L'appelant, pas en Lui téléphonant, non, en L'appelant. Bien lui en a pris puisqu'IL ne l'avait pas reçu, le fameux sms d'invitation de 14-18 ; il ne le recevra jamais d'ailleurs. ; les mystères de la téléphonie mobile ...

Durant l'appel, le rire a de nouveau répondu présent, comme une confirmation, la preuve qu'Elle avait bien fait.  "Oui, avec plaisir. Je prends une douche, et j'arrive. J'apporte une bouteille". 

 

Il est arrivé chez Elle peu avant 19h. Elle n'a jamais vraiment su dans quel État d'Esprit Il était arrivé. En revanche, ce qu'Elle a immédiatement remarqué c'est la seconde bise (oui, ici c'est deux bises) déposée par Lui  à la commissure des ses lèvres, à Elle.  

Mais comme il était question d'un dîner du terroir, pas d'un rendez-vous galant et que les convenances n'avaient pas été conviées, Ils ont profité : du soleil couchant pour mettre en lumière leur part d'ombre ; de la terrasse pour libérer leur face cachée ; de l'alcool pour ne pas filtrer leur flot de parole. Ils ont laissé couler leur fleuve noir. Le rendez-vous des gueules cassées en quelques sortes. Et le casting était à la hauteur du scénario ! 

 

Quand vers 22h, Il a délicatement mais assurément prononcé "Tu sais, tu ne m'as pas laissé indifférent lors de notre rencontre", Elle a failli tomber de sa chaise (Merde, Il est venu pour ça ! Ah non, c'est pas le moment. Je t'avais dit que c'était une mauvaise idée d'inviter un inconnu)  mais Il l'a bien rattrapée : "Tu peux dire et penser ce que tu veux de toi, de nous qui n'existe pas. J'ai tout mon temps mais j'ai aussi l'âge de savoir ce que je veux". (Sûr de lui avec ça ... à la limite de l'arrogance ... oui, mais c'est séduisant tout de même l'excès de testostérone ? Oui, évidemment, mais quand même ...)  

 

Vers 2h du matin, à la faveur du cocktail détonnant "désespoir malté", après Lui avoir ouvert son canapé à défaut d'autre chose, Elle a fini par tomber, chuter, mais "en vrai", littéralement, latéralement : Elle est tombée ... dans l'escalier (la scène est du pain béni pour les lectrices-teurs de Psychologie Mag, mais une tannée pour les amateurs de l'Art de séduire, le bonheur de réussir).

Elle s'est donc retrouvée, en vrac, cul par-dessus tête, en bas de l'escalier. Une chose était certaine, la scène était en accord parfait avec l'autoportrait qu'Elle avait dressé tout au long de la soirée.

En lui frottant le dos pour la soulager, tout être masculin qui se respecte en aurait profité pour que le soulagement soit mutuel, parce que même si Elle ne s'affectionne pas particulièrement, Elle a quelques atouts dans sa manche physique. Mais Lui, les atouts, les convenances, ...  Il l'a simplement soignée, pansée, réconfortée. Puis "Bonne nuit. Dors bien. Toi aussi".

 

Quelques heures de mauvais sommeil plus tard, à la faveur des effluves du cocktail "désespoir malté" consommé en surdose la veille, Elle eut un réveil ... difficile, de ces réveils où les regrets s'ajoutent à la honte. Il lui a tout de même fallu affronter son regard, pétillant, joyeux, (tu as vu, Il a des yeux de chouette au réveil). 

"ça va mieux ton dos ?

- Pas terrible. Mais je préfèrerai oublier la scène. J'ai mal à la tête aussi ... Tu veux un café ?

- Oui, merci. J'ai repensé à tout ce qu'on s'est dit hier soir. Je persiste, ça n'est pas possible de penser autant de mal de soi ... {silence} ... J'peux te poser une question {sans attendre une hypothétique réponse} ... Combien de fois on a pris soin de toi dans ta vie ? "

Elle qui croyait avoir fini sa chute la nuit précédente dans l'escalier ... Cette phrase lui a fait le même effet que la chute dans les rêves, celle qui vous tord le ventre et vous laisse groggy.  Le problème, le coeur du sujet  n'était pas tant de savoir si et combien de fois on avait pris soin d'Elle. Le vrai problème était pour Elle de savoir quand Elle se déciderait à le faire, à s'intéresser à Elle, quand Elle n'aurait plus la nausée en entendant "Prends soi de toi".  Je vous avais prévenu, c'est une histoire éternelle, mais banale.

 

Quelques jours après le dîner, après la chute dans l'escalier, c'est à l’hôpital qu'elle a fini par atterrir.  Il était temps. Les chutes c'est bien quand ça s'arrête. Spontanément, instinctivement, c'est Lui qu'Elle a de nouveau appelé. Après tout, si Elle n'était pas prête à s'occuper d'Elle, Lui avait visiblement deux ou trois notions de base.  

 

Près de huit cents soirées après, et presqu'autant de blanquettes de veau, de boeuf miroton, et autres plats "estivaux", de sms et petits-mots, d'acceptation de soi et de composition avec l'autre, Elle et Lui font toujours route ensemble ; en prenant bien soin d'accrocher leur ceinture (clin d'oeil aux Frères Jacques). 

 A la prochaine pour une autre rencontre. 

 

Au générique : "C'est l'histoire d'un amour" d'Almaran Carlos et  "Vancouver" de Véronique Sanson. 

 

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Commentaires: 13
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