Moi aussi, j'ai "droit" à l'image

Je tuerais pour un bon mot. Et, je tuerais "avec" un bon mot aussi, juste pour le plaisir d'entendre la phrase claquer, pour commettre ce que Grand Corps Malade appelle des "attentats verbaux".

Je sais qu'un bon mot peut blesser, heurter, piquer, réveiller, bouleverser, toucher, mais c'est bon de pouvoir jouir, seule, de ce moment où la phrase fait mouche, qu'à la fin de l'envoi, elle touche.Et c'est "juste pour de rire". C'est pas pour que ça blesse, heurte, pique, ... simplement que ça rit. C'est "l'effet magique" du second degré (pas d'Impulse pour la génération RécréA2)

le second degré permet de banaliser les maux. Cette phrase-là n'est pas un chef-d’œuvre, mais elle est pratique. En ridiculisant le réel, on le prémâche, pour éviter de le ruminer ; l'estomac des humains n'est pas fait pour ruminer.

Malheureusement, que d'occasions de rire perdues à cause d'un problème de degré ! Alors comme la mode est au mea culpa, je vais m'en offrir un. Tout le monde en porte cette année, même un ancien Premier citoyen de France qui, entre nous, doit être très malade puisque souvent en examen.  Alors pourquoi pas moi ? Mais comme je ne suis qu'une citoyenne pas très productive puisqu'assignée sanitairement à résidence,  et que je n'ai pas l'intention de demander pardon à la France,  je vais demander pardon à ma fille. C'est un début. 

M., ma Chaire progéniture, (pas d'affolement, ceci n'est pas un attentat orthographique ; tout le monde reste calme ; c'est juste un exercice de style), Ma M. je te présente mes excuses pour t'avoir causé des ennuis à l'école.

EXPOSE DES MOTIFS :

Chaque jour, en t'accompagnant à la fameuse école, je vois des enfants (jusque-là tout va bien), des parents (idem), des cartables (...). Mais ça n'est pas toujours le propriétaire dudit cartable qui porte ledit cartable. Les rôles s'inversent, le contenant demeure, mais les contenus diffèrent. Vu de ma fenêtre, le cartable offre un point de vue stratégique pour observer les jeux de rôle entre les protagonistes du jeu universel de l'éducation parentale.

J'ai échangé avec les parents sur ce fameux cartable, sur l'école, l'enseignement, la parentalité, mais, l'air de ne pas y toucher ; avec, en arrière-plan, l'idée de photo-chroniquer le cartable et son espace. Mais qui dit photo-chronique, dit photo, et donc image... 

Ce mardi matin, la chasse à l'image était ouverte chez moi. La lumière s'offrait comme je l'aime, un tantinet dramatique. Les parents, les enfants et les cartables étaient là eux-aussi. Et là, les parents, les enfants, ceux que nous croisons chaque jour, avec qui nous échangeons chaque jour, depuis 7 ans, m'ont regardée, mais d'un autre œil. Parce que "de nos jours", un adulte qui PREND des photos près d'une école, c'est crime de lèse-liberté. Aux curieux-ses qui me l'ont demandé, j'ai pourtant expliqué que c'était pour une série de photos sur "l'espace qu'occupe le cartable  entre les parents et les enfants". J'ai aussi expliqué que "je ne prenais pas les visages, juste les attitudes, de dos, sans tête, mais avec cartable intégré".

Sans le vouloir, et encore moins le savoir, ma petite partie de chasse à l'image a pris le visage d'une petite chasse ... aux sorcières, avec toi, Ma M. dans le rôle d'une des deux sorcières. Toute la sainte journée, tu as essuyé les quolibets de tes "camarades" de jeux, pas si joueurs, visiblement. Dans la cour de récré, encerclée par la meute, tu as été saisie par  des phrases brutes de décoffrage, qui t'ont égratignée, parce que toi, Ma M. tu as compris que ces phrases-là n'était pas pour de rire. 

"C'est là que j'me rends compte que tu r'sembles pas du tout aux autres mamans.

- Et, ça te pose un problème ?

- Oh non ! Pas du tout ! ça m'fait rire. Puis c'est bien parce qu'avec toi, les choses sont pas pareilles... Mais quand même ! Tu t'rends compte, Maman, j'ai dû me justifier sur Tes actes. Les filles disent que tu t'prends pour un paparazzi, mais que t'en ai pas un., qu'elles ont un droit à l'image, que tu peux pas tout faire comme tu veux. Y'a même *** qu'a d'mandé pourquoi tu photographiais un buisson, que si t'en voulais, t'avais qu'à t'en acheter un. Mais je leur ai dit que c'était juste de l'art , pour rire,  mais elles  z'ont pas compris. Tu t'rends compte, j'ai dû me justifier pour toi !"

 

Oui, "j'm'en rends compte" mais vois-tu, Ma M., je suis comme l'alcool, j'ai un problème de titrage : je titre au deuxième degré, voire plus si affinités, alors que la norme en vigueur, c'est le premier degré, rien de plus. Je ne sais pas si l'Europe, la PAC, ou Donal Trump ont quelque chose à voir dans cette restriction de capacité de recul, mais c'est un état de fait, le second degré est aujourd'hui consommé avec bien trop de modération.

Aussi, comme tous les consommateurs de deuxième degré, saoule-je plus vite, surtout ceux qui ont l'alcool mauvais, ceci explique cela.  Mais comme pour toute substance à fort risque addictif, le second degré devient pour le consommateur une seconde peau, un état d'être plus qu'un état d'esprit. Il permet de tout détourner, tout le temps. Grâce à lui, je transforme tes tourments d'enfant en petits galets que tu aimes jeter à la face de la Mer ; je peux photographier l'insignifiance de notre monde pour le voir meilleur ; je me sers de notre insignifiant quotidien pour écrire mes non moins insignifiantes chroniques. 

Et toi, tu es très cliente. Heureusement, le second degré germe facilement, ça se cultive, ça s'entretient. Et c'est "gratuit pas cher". C'est pour le cultiver dans notre Presqu'ile au micro-climat généreux que j'ai envie d'ouvrir l'épicerie artistique. [j'avais promis d'en remettre une couche dans chaque chronique, à la manière d'une incantation, une formule magique pour enfin en ouvrir la porte]

Mais, comme d'autres cultures à vertus thérapeutiques et néanmoins récréatives, la culture du second degré est prohibée par celles et ceux qui en sont dépourvus.

Ma M., je t'ai pourtant mise en garde contre la consommation stupéfiante du second degré au quotidien. N'oublie pas : "On peut rire de tout, mais visiblement pas avec tout le monde". Tandis que les consommateurs en redemandent, les non-pratiquants s'en méfient comme de la peste, pensant sans doute que c'est eux que le second degré ridiculisent,  invoquant, pour le contrer, des réactions d'un autre âge-très-moyen. C'est regrettable, très regrettable. Parce que c'est tellement bon une bouffée de second degré ... c'est léger, c'est ludique, ça dérisionne la réalité, ça connivence les consommateurs, ça empathise les échanges humains et, ... ça forge le vocabulaire, élément indispensable pour tout bon cartable qui se respecte !

Tu pensais que j'avais laissé tombé l'histoire du cartable ? Non, car vois-tu, Ma M., même si , l'article 226-1, 2° du Code pénal  précise "qu'il n'est possible de diffuser une photographie représentant une personne reconnaissable qu'avec son autorisation", la juris-prudence (pas de panique de nouveau, on continue l'exercice) en matière de "droit à l'image des personnes" est très importante. Aussi, pour ma défense, considérant que le cartable n'est pas une personne, (à moins que je ne vienne de découvrir le cartabo-morphisme),  je vais invoquer  "mon" droit à l'image, et faire comme la plupart de celles et ceux qui  mea-culpabilisent , je vais promettre  de ne pas recommencer lol hihihi :-)  #en mode as fuck  [je te demande pardon aussi pour la traduction numérique, un peu dépassée, mais je n'en maîtrise pas bien les codes].

 

A ce soir pour Ma M., et

A jeudi prochain les Autres.

 

Écrire commentaire

Commentaires: 0