ça va chez vous ?

Chers Vous, 

Je ne prends jamais de vos nouvelles, je ne vous demande jamais comment vous vous portez alors, que c'est parfois lourd de se porter, surtout quand il faut le faire bien.  Je me retranche derrière l'idée que nous n'échangeons pas, nous ne communiquons pas. Je donne et prend qui veut.

Mais ça, c'était avant. Avant, les articles dans la presse, avant d'installer sur des murs qui ne sont pas ceux de la salle à manger mes photos et mes textes ; avant de vendre lesdites photos ; avant de parler en vrai,  avec de vrais gens, de ce que je fais, du comment je remplis les conditions requises pour Être humain-e puisque j'expose en vrai depuis le 2 mai [jusqu'au 12 juin - renseignements pratiques : exposition [POR]TRAITS PERIPHERIQUES sur FB - ça, c'est fait].

 

Alors, j'espère que vous allez aussi bien que possible parce qu'en ce qui me concerne, j'ai au moins 49.3 raisons de ne pas être en accord avec ma condition d’Être Humain-e.

Parmi ces 49.3 raisons, il y a l'histoire de cette petite fille de 9 ans qui a croisé un pédophile de 11 ans son aîné. L'histoire est banale à pleurer, les faits avérés et reconnus par le malfaiteur. Mais si je vous racontais son histoire, peut-être penseriez-vous que je me mêle de ce qui ne me regarde pas, que je suis impudique, voire voyeuse, que ces histoires-là doivent rester secrètes. Il ne faudrait pas que la petite en question subisse les railleries de ses petits camarade en plus. 

Pourtant, la mère de la petite prétend le contraire : elle est persuadée qu'il est temps que la honte change de camp. Ce qui ne l'empêche pas de faire comme les autres. Elle se tait. Elle confiait récemment qu'elle ne pouvait pas s'empêcher d'aller voir chaque jour le compte FB du pédophile, parce qu'il est encore libre de ses mouvements et de ses actes. Elle prend chacun de ses messages comme un affront, comme une provocation parce qu'elle sait que sa petite, elle, va devoir se cacher de ce qu'elle a subi. 

Non, inutile de vous raconter ça : motion de censure. 

C'est dommage parce que si je vous racontais cette histoire, je pourrais embrayer sur les pervers, qui ne sévissent pas que dans les milieux politiques, mais dans tous les milieux où le pouvoir est la seule règle. Nous en connaissons toutes et tous, mais nous baisons le regard quand nous les croisons.

Après j'enchainerais naturellement sur une grande question qui turlupine (il faut bien rire!) bon nombre d'entre nous : jamais l'humain n'a eu autant conscience et connaissance de  ses travers et des conséquences collatérales desdits travers. Jamais non plus, les victimes n'ont été mieux traitées qu'elles ne le sont aujourd'hui. Et pourtant, pourtant, les victimes crient et les agresseurs passent.

 

Motion de censure, j'insiste : je ne vous parlerai pas d'Elle ni des autres puisque je n'ai aucune solution à leur apporter. Je vais plutôt vous raconter pourquoi je ne vous ai pas écrit la semaine dernière.

C'était la semaine des premières, car,  ça y est, les Trois Mousquetaires qui m'accompagnent et moi sommes vernis puisque nous avons pris possessions du premier étage d'un lieu "atypique" comme disent les agents immobiliers. Idéalement situé au cœur de Fécamp, dans une rue tout aussi passante que commerçante se trouve un beau bâtiment Haussmannien, beau mais "prévoir travaux" tout de même. Le "beau bâtiment Haussmannien" abrite un "grand" magasin très urbain dont le nom commence par M et se termine par X (M......X, on fait un pendu ? il paraît que l'on peut se suicider en direct ...- ne vous offusquer pas, je suis de celles et ceux qui pensent que l'on peut - doit-  rire de tout, pour éviter d'en pleurer).

Le beau bâtiment Haussmannien  se demande bien comment il a pu atterrir ici, à Fécamp, dans cette petite cité de pêcheurs. Alors que ses potes, mieux classés peut-être, ou mieux placés, trônent à Paris, lui, il est là, au bord de mer, au milieu d'une cité qui a perdu de sa superbe. Comme toute entité qui n'a pas, ou n'a plus, d'identité, il ne sait plus à quel saint se vouer ; il se demande même si cette histoire de saints et de dieu, ça ne serait pas encore un fake (allez faire un tour chez Wiki, il vous expliquera), mais ça, c'est une autre histoire.

Il est bien emmerdé le beau bâtiment Haussmannien car il vient d'un milieu où la bienséance est  mère de chic non ostentatoire, surannée, mais pas désuète. Il en a hérité tous les atouts : au premier étage, le loft  de 400 m², friche industrielle idéale pour des artistes ; au second étage, les parquets, les boiseries, la charpente Eiffel ; pour relier les deux, le Grand escalier "qui va bien". 

Et puis il y a le rez-de-chaussée ... celui qui rappelle au beau bâtiment qu'il n'a pas eu sa mutation à Paris, comme les copains, sur le boulevard éponyme : le rez-de-chaussée fécampois. En effet, le beau bâtiment Haussmannien a eu le malheur de croiser sur son chemin la mauvaise personne (celle qui vient du mauvaise endroit). Il a croisé le mauvais goût de la grande distribution, du pratique et du rapide. Il a été "relooké" par des types qui avaient lu Venilla dans les années 1970. C'est comme ça qu'il s'est retrouvé à à devoir porter, au rez-de-chaussée, celui du public,  du linoleum décrépi, des néons qui piquent, des rayonnages qui grattent ! Alors qu'il a tout pour lui, mais bien planqué en réserve, dans les étages.

 

Comme toute entité sans identité, le beau bâtiment Haussmannien fait payer à ses "proches" le paradoxe de son ambivalence. Tous les proches, à leur manière, subissent, et finissent par en souffrir, sa quasi schizophrénie du beau  : les élégantes vendeuses qui doivent vendre du beau et du chic dans une ville où les habitants n'ont plus les moyens de s'offrir ne serait-ce que le premier niveau de la pyramide de Maslow ; les agents de sécurité encostardés alors qu'ils seraient plus à l'aise une bière dans une main, l'autre dans leur jogging ; et le directeur ...

Monsieur le directeur, qui a l'amabilité de bien vouloir nous accueillir, mais qui, au lieu de le faire durant deux mois, comme prévu, ne le fait que durant deux ... semaines. Le directeur, le même, qui a l'idée formidable d'ouvrir le loft à l'art, mais qui ne le signale pas dans sa boutique ! Il s'est ouvert, gratuitement, un rayon éphémère d'art, et il ne l'assume pas. Il aimerait le partager, le donner à voir, mais il n'a lu ni Venilla, ni L'art de séduire, le bonheur de réussir, ou tout autre manuel de bienséance.

Je ne vais évidemment pas utiliser cette chronique pour dénigrer.

Toutefois, nonobstant, malgré tout, j'ai un petit regret car j'aimais sincèrement l'idée de montrer de l'art, surtout contemporain, dans un lieu de consommation, mais les fées du lieu ont transformé les Mousquetaires en chiens dans un jeu de quille.

Tant pis, ça ne m'a pas empêché de vendre mes premières photos, et pas à n'importe qui. C'est agréable de savoir qu'un bout de soi-même (non, pas un organe, une photo !) sera accroché chez un humain qui sait l'être.

 

Tant pis, et surtout, tant mieux. Grâce au délai unilatéralement raccourci, nous allons être les premiers à exposer de l'art à l'AFDAM. L'A quoi ? L'Association Fécampoise de Développement des Activités de Mer dont la vocation est de donner une chance aux jeunes et permettre à tous les citoyens de pouvoir envisager la Mer, comme une véritable carte maitresse de développement durable, créatrice d’activités et d’économie solidaire. Après la grande distribution, retour aux sources économiques et sociales de la ville : ça n'est plus grand écart, c'est Millau. Après le loft, l'atelier de réfection de vieux gréements !

Je suis vraiment vernie !

Et c'est pas tout, l'Epicerie va bientôt ouvrir ses portes : l'association l'Epicerie ARTistique existe et a  trouvé un logement ; elle a également  un compte en banque grâce au premier don*, elle a même de belles étagères où vont bientôt être délicatement déposés les livres déjà donnés eux-aussi. Elle a même déjà vendu un livre à un artiste. Finalement, j'ai bien fait de vous écrire et de censurer les 49.3 raisons qui me chatouillaient. 

 

A la fin de semaine prochaine (au cas où je n'écrirais pas jeudi mais vendredi). Portez-vous bien.

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Christophe (mercredi, 25 mai 2016 16:49)

    Salut Anne so
    C toujours un plaisirs de te lire.
    Tu a pris a bras le corps comme d ab se long fleuve tranquille...
    A bientôt
    Christophe